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La villa Bengali
(page Facebook du collectif de défense)
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La villa Bengali à Pessac, un rêve brisé
Pendant des mois, des femmes et des hommes se sont groupés, mobilisés pour sauver un monument. Ce monument a été détruit, à l’abri des regards, au lever du jour en commençant par la loggia mauresque qui ornait sa façade. Il était temps : le mouvement qui demandait la protection de la villa prenait trop d’ampleur. En commençant par la loggia les démolisseurs savaient ce qu’ils faisaient. Cette construction, par sa composition cohérente, par le rythme de ses colonnes et de ses arcs, par ses couleurs créait une unité, plaquait un discours, faisait naître une image et c’est sur cette image, reprise par la presse, que s’appuyait le collectif des défenseurs du patrimoine qui en faisait l’image de sa lutte, son symbole, le socle de ses propositions de sauvegarde dépassant largement le cadre de ce simple édicule. Cette destruction sape tout le travail de reconstruction et affiche la violence du pouvoir qui la décrète.
La loggia et la villa sont désormais à terre. Il ne reste, pour nous et ceux qui nous suivront, que quelques photographies qui vont rejoindre dans un carton d’archive la villa mauresque de l’Herbe, le buffet chinois de la gare d’Arcachon, le casino mauresque de son jardin public et les images du musée des frères Bonie dont les collections sont aujourd’hui dispersées. Certes, cela suffit peut-être pour écrire l’histoire mais en conservant ce témoignage on avait une occasion de continuer à faire vivre cette histoire et même de vivre en son sein. Nexity a raté cette chance qui lui était offerte : être à la fois promoteur immobilier et protecteur d’un patrimoine vivant.
La loggia mauresque de la villa pessacaise témoignait en effet du goût de l’Europe pour l’Orient dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette ouverture vers d’autres frontières va au-delà de la politique de colonisation pour caresser le rêve de l’unité d’une culture méditerranéenne réunissant, par une communion de formes, Athènes, Cordoue, Constantinople, Alger, Sienne, Marseille et Le Caire. La loggia de la villa de Pessac se plaçait très modestement dans cet oecuménisme. Installée sur une véranda elle offrait une terrasse protégée qui avançait la vue et l’espace de vie vers un beau parc. Les colonnes où alternaient brique et pierre cadraient des points de vue. Mais la grande originalité de cette architecture était ici dans le dessin des arcs : le traditionnel arc outrepassé qui définit en général le caractère mauresque était remplacé par un couvrement en forme de large accolade se resserrant à sa base et traduisant une inspiration plus rare proche de l’art moghol, ce qui expliquerait l’autre nom, indien celui-ci, de la villa, la villa Bengali.
On pourrait voir dans cette interprétation un élargissement du pillage des formes vers le sous-continent indien en même temps qu’une impossibilité du monde occidental de renouveler en puisant dans son propre fonds des rhétoriques usées. Mais à ce seul titre la villa Bengali était déjà un témoignage précieux. La loggia était donc le miroir de toute une histoire, celle de la circulation des formes qui a toujours enrichi l’histoire de l’art comme celle de l’expression des idéologies qui ont dicté ces transferts. Ces témoignages qui reconstruisent un Orient imaginaire sont de nos jours de plus en plus rares et la modestie de cette installation avec son écran de colonnes polychromes et ses arcs délicats ne pouvait justifier sa destruction : « Une simple cuillère à café ne reflète-elle pas le soleil ?» écrivait en 1948 Siegfried Giedion, le grand historien du Mouvement moderne. Le rêve est brisé mais le refoulé de ce reflet éteint fera un jour son retour !
Marc Saboya
Professeur d’ Histoire de l’art
Université Michel de Montaigne
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En savoir + sur la villa Bengali :
« Sauver la villa Bengali (1854) à Pessac »
« C’est fini pour la villa mauresque de Pessac »
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Bonjour Marion. Il y a à Grenoble une magnifique villa Mauresque qui heureusement a été rachetée par une personne qui met tout en oeuvre pour lui maintenir sa beauté. Elle se visite et la partie gauche de ta photo a un petit côté de celle de Grenoble. C’est triste que des gens soient assez stupides pour démolir de tels patrimoines. J’ai une amie qui habite Pessac mais elle ne m’en a pas parlé, j’en discuterai avec elle.
J’ai lu l’article complet et vraiment ça met les boules une telle connerie. Et c’est très triste.
Bonjour Marie,
Classée MH, la Casamaures est à l’abri de ce genre de stupidité.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Casamaures